- ENFANCE - L’enfance inadaptée
- ENFANCE - L’enfance inadaptéeL’expression «enfance inadaptée» est admise en France pour désigner l’ensemble des sujets jeunes, y compris les jeunes adultes, qui ont besoin, en vue de leur intégration dans la communauté active, de mesures médicales, sociales, pédagogiques et éducatives différentes de celles qui sont prévues pour l’ensemble de la population. Cette appellation, très discutable, est cependant retenue faute de mieux: l’ancienne terminologie (enfance anormale, enfance déficiente, enfance irrégulière, etc.) n’était pas assez générale ou avait un sens péjoratif qui ne pouvait être que mal accepté. Le vocabulaire étranger (maladjusted , psychopath , etc.) n’est pas plus heureux. L’introduction de l’expression «enfance handicapée» est, elle aussi, trop limitative.La notion d’inadaptation découle de celle d’adaptation et pose d’emblée la question des repères: adaptation ou inadaptation par rapport à qui? par rapport à quoi? Qu’il s’agisse des notions d’adaptation ou d’inadaptation, on a affaire à des concepts essentiellement relatifs et variables dans le temps et dans l’espace, et dont le déterminisme est plurifactoriel. Ces notions dépendent, d’une part, de la constitution et du développement de chaque individu et, d’autre part, de la structure et du moment social, du milieu général et du milieu particulier dans lesquels il vit. L’adaptation est la rencontre permanente de plusieurs histoires: celle de l’individu, celle de sa lignée, celle de sa famille, celle de la société et des groupes de la société auxquels il appartient; c’est l’affrontement du «moi» et du «reste», d’un «moi» et d’un «reste» qui se structurent à des rythmes et à des niveaux différents, grâce à un triple mouvement de maturation, d’intégration et d’acceptation: l’individu doit à la fois parvenir au développement et à l’intégration progressive de ses fonctions et s’intégrer lui-même dans son environnement en même temps qu’il l’accepte; quant au «reste», la manière dont il organise ses structures communautaires le rendra capable ou non d’accepter et d’intégrer chaque individu.C’est en considérant l’adaptation comme un système d’échanges, comme une fonction à la fois «de croissance et de respiration sociales», que l’on saisira le mieux les multiples formes des mécanismes généraux de l’inadaptation. Celle-ci tient soit à l’individu, qui peut être handicapé par rapport à la société ou bien troublant pour celle-ci, soit à la société dont l’action perturbante influe sur le sujet (enfant troublé ). Mais l’inadaptation est le plus souvent le résultat de l’interaction (alternée ou simultanée) des deux facteurs, les mécanismes de rétroaction réciproque jouant un rôle constant. La définition donnée par R. Lafon dans les années cinquante reste encore admise: «Il s’agit tantôt d’un jeune sujet que ses anomalies, l’insuffisance de ses aptitudes ou de son efficience générale ou le défaut de son caractère mettent en marge ou en conflit prolongé avec les réalités ou les exigences d’un entourage conforme à son âge et à son origine sociale; tantôt d’un sujet jeune dont les aptitudes et l’efficience sont suffisantes et le caractère normal, mais qui souffre d’un milieu non conforme à ses besoins corporels, affectifs, intellectuels ou spirituels; tantôt, enfin, d’un jeune inadapté ou déficient, vivant dans un milieu non conforme.»1. Typologie, formes et fréquenceLa classification des inadaptations juvéniles est en réalité très difficile, aucune n’est satisfaisante car, le plus souvent, chaque cas comporte une mosaïque de facteurs déterminants, occasionnels ou circonstanciels, et se traduit par une diversité de manifestations associées, qui camouflent, en général, les véritables causes et mécanismes de l’inadaptation et même les troubles les plus importants et les plus profonds. Une inadaptation, même quand elle a pour origine un handicap précis, n’est pas figée; elle est vécue aussi bien par l’individu que par son entourage, sur un mode particulier et selon un dynamisme qui est fonction du sujet et de son milieu; elle est essentiellement relationnelle et relative; on ne saurait lui attribuer, comme aux maladies en général, une étiologie et une pathogénie précises, une forme et une évolution déterminées.Toute inadaptation devant être considérée comme un phénomène à la fois biologique, psychologique et social, on peut adopter une classification générale s’articulant en fonction de la prédominance de tel ou tel élément du triptyque, et soulignant cependant, pour chaque facteur, la fréquence des associations avec les deux autres. On retiendra seulement les grandes formes de l’inadaptation, selon le schéma classique. Les fréquences estimées des diverses formes d’inadaptation sont présentées dans le tableau 1, avec, en regard et à titre comparatif, les fréquences estimées dans la population adulte. Il convient de se rappeler, à propos de cette comparaison, que, dans un pays industrialisé où l’hygiène et le réseau médical sont développés, on compte environ 85 000 enfants de moins de cinq ans et environ 250 000 jeunes de cinq à dix-neuf ans par million d’habitants. L’estimation présentée est large et on peut supposer qu’une réduction de 25 p. 100 (estimation faible) serait plus près de la réalité.Insuffisants mentauxLe concept d’insuffisance mentale désigne un déficit congénital ou acquis, structural ou lésionnel de l’intelligence. C’est la scolarisation obligatoire de tous les enfants dans les pays évolués qui a révélé l’inaptitude de certains enfants à suivre une scolarité normale, alors même qu’ils ne manifestent pas de troubles graves de la sensorialité ou de la motricité ni d’anomalie biopsychosociale importante. La débilité mentale a été longtemps déterminée à partir de la notion d’âge mental (due à A. Binet et J. Simon), puis de celle de quotient intellectuel (Q.I.); l’inadaptation était imputée pendant longtemps de façon univoque et linéaire au seul déficit intellectuel qui se trouvait en jeu. Or il est évident actuellement que «le terme de débile n’a pas la même signification suivant qu’on l’emploie pour qualifier un individu ou pour qualifier l’intelligence. Au vu d’un niveau intellectuel insuffisant, c’est, en toute rigueur, d’intelligence débile qu’il faudrait parler et non d’enfant débile. Le glissement de la qualification d’un trait à la qualification de l’individu qui possède ce trait procède d’une étrange conception unidimentionnelle et conduit à toutes sortes de confusions et de faux problèmes. S’agissant d’individu, c’est toute une structure d’ensemble qu’il faut considérer, où l’intelligence n’est qu’un élément parmi d’autres, une fonction adaptative parmi d’autres». Ces considérations de René Zazzo ont une portée générale, qui va au-delà de la seule débilité mentale. Il est évident maintenant que l’insuffisance mentale met en jeu des concepts très divers: psychologiques, médicaux, psychanalytiques, psychosociaux, pédagogiques, sociaux, juridiques, philosophiques et même politiques et administratifs. La débilité mentale , qui est le terme le plus général pour désigner ce handicap, ne peut plus être considérée simplement comme une cause première, constitutionnelle et définitive de l’inadaptation; elle est, en réalité, la conséquence d’un faisceau de facteurs très divers aboutissant à cette caractérisation qu’un sujet est «différent des autres» sur le plan biologique et psychologique, selon une signification particulière à chaque contexte social. L’insuffisance mentale ne saurait donc être comprise sous les seuls aspects de la faiblesse de l’intelligence et de l’échec scolaire. Chaque cas exige une détection et une cure de toutes ses causes, elles-mêmes résultantes d’autres facteurs, qu’ils soient héréditaires, congénitaux ou bien acquis, par trouble ou carence. Parmi les causes qui seraient à l’origine de l’insuffisance mentale, on peut mentionner:– les troubles dont l’origine serait génétique et qui sont déterminés par les mécanismes mêmes assurant la transmission du patrimoine héréditaire général. Dans l’énorme majorité de ces cas, il s’agit d’anomalies ou d’accidents du mécanisme génétique, pouvant entraîner des pathologies diverses et multiples, avec, pour certaines formes, l’apparition constante d’un déficit des processus intellectuel;– à ceux-ci on doit ajouter les cas pour lesquels les seuls processus normaux de transmission génétique seraient en jeu, et qui représentent en quelque sorte la limite inférieure de la distribution normale d’une aptitude;– les troubles qui sont consécutifs à des atteintes accidentelles de l’organisme jeune. Il s’agirait, dans ces cas, d’accidents de tout ordre (traumatismes, parasitoses, maladies infectieuses, par exemple) survenant avant, pendant ou peu après l’accouchement et altérant un organisme à l’origine indemne. Ici encore, les causes, d’une part, les séquelles, d’autre part, peuvent être multiples, le dénominateur commun étant la présence d’une insuffisance mentale;– les troubles qui sont la conséquence de carences socio-éducatives précoces: dans ces cas, on trouve souvent associés des carences alimentaires, des carences de stimulation, des états généraux de santé insuffisants, ainsi qu’un faible investissement affectif de l’enfant;– les troubles affectifs et relationnels peuvent aussi être à l’origine d’états d’insuffisance mentale; les perturbations primaires affectent ici notamment les relations enfants-parents et les modes de communication et d’attachement avec l’entourage. L’insuffisance mentale qui peut s’installer à la suite de ces perturbations est une symptomatologie secondaire, qui peut, néanmoins, par la suite passer au premier élan.Mais il est surtout bien évident que, dans la grande majorité de ces cas, on a affaire à un déterminisme multiple, plusieurs causes pouvant intervenir à des degrés divers et agir les unes par rapport aux autres. Sans être exhaustive, l’énumération de ces facteurs montre que l’insuffisance mentale constitue bien un déficit capacitaire d’ordre neuropsychosocial. Selon l’intensité du déficit, le stade du développement intellectuel acquis et les potentiels d’adaptation, on distingue plusieurs niveaux. L’ancienne terminologie, reprise par l’Organisation mondiale de la santé dans le dessein d’harmoniser les points de vue des divers pays, indique à partir des formes les plus graves: l’idiotie, l’imbécillité, la débilité mentale et l’intelligence limite.La classification médico-socio-administrative française actuelle distingue: les arriérés profonds, les débiles profonds, les débiles moyens, les débiles légers avec troubles associés, les débiles légers simples; soit, selon les estimations actuelles (tabl. 1) pour la France, près de 5 p. 100 de la population des jeunes.Les bornes de ces diverses catégories sont définies par des estimations des quotients intellectuels (Q.I.). Mais il est important de souligner que ces bornes sont arbitraires, définies par convention à un moment donné et pouvant changer dans le temps et dans l’espace. Cela est vrai surtout pour la limite supérieure, qui détermine la frontière entre la débilité légère et l’intelligence limite ou normale. Avec le prolongement de la durée d’études obligatoire et l’augmentation de la technicité des sociétés industrielles, on voit apparaître un déplacement vers le haut de la limite définissant la débilité mentale légère: autrement dit, de plus en plus d’individus seraient considérés comme présentant une insuffisance mentale en fonction d’un niveau d’exigence de la société. Il apparaît ainsi impossible de séparer, dans ce cas, la pathologie médicale du fait psychosocial et culturel de la société environnante.Handicapés moteursSous cette rubrique des infirmités de l’appareil ou des centres moteurs, on peut distinguer celles qui impliquent des lésions cérébrales et d’autres handicaps affectant diversement la motricité.Infirmes moteurs avec lésion cérébrale– Infirmes moteurs cérébraux (I.M.C.); au sens français de l’expression, ce sont des sujets présentant des troubles moteurs importants (paralysies, contractures, mouvements anormaux, troubles de l’élocution, etc.), mais ayant une intelligence normale ou subnormale et reclassables après rééducation.– Infirmes moteurs avec déficit intellectuel grave, assimilables aux arriérés profonds.– Infirmes moteurs avec déficit intellectuel moins grave, assimilables à des débiles profonds.Autres handicaps moteursIl s’agit ici de formes très variées, qui vont de l’absence congénitale de membres ou de parties de membres (phocomélie) jusqu’aux atteintes infectieuses (poliomyélite antérieure aiguë ou paralysie infantile), aux affections traumatiques de la moelle ou des nerfs périphériques, ou encore aux maladies dégénératives des muscles (myopathies), soit un ensemble de 1 p. 100.Handicapés sensorielsLes déficits graves de la vision ou de l’ouïe atteignent 0,25 p. 100 de la population: aveugles, amblyopes, sourds-muets, hypoacousiques ayant besoin d’une école spéciale.Il est, en revanche, difficile de préciser le pourcentage des enfants ou adolescents qui sont des malentendants ou des malvoyants et qui, s’ils n’ont pas besoin d’enseignement spécial, doivent bénéficier cependant de facilités éducatives et de soins spéciaux.Sujets présentant des troubles du comportement et de la conduiteCertains désignent ces sujets sous le nom de « caractériels ». Il s’agit là de formes d’inadaptation et même de maladies très diverses, allant des psychoses et névroses infantiles aux troubles simples de la conduite. La classification à l’intérieur de cette rubrique est particulièrement difficile. En 1950, le Congrès international de psychiatrie y a distingué quatre catégories: les troubles symptomatiques de processus organique, les troubles graves du comportement d’allure psychopathique, les troubles d’allure névrotique, les états réactionnels simples.L’Organisation mondiale de la santé a proposé une classification double, tenant compte, d’une part, de la description symptomatique, circonstancielle et évolutive et, d’autre part, des aspects structuraux et étiopathogéniques, voire des conceptions théoriques. L’influence du contexte socio-économique, général et familial est ici beaucoup plus grande que dans les autres formes d’inadaptation. Cela explique que, selon les pays, les estimations varient entre 5 et 18 p. 100.Très schématiquement, en fonction de l’action à poursuivre, on peut distinguer trois catégories de sujets dont le comportement est perturbé:– Sujets ayant besoin d’une aide temporaire grâce aux consultations de santé mentale (consultation d’hygiène mentale infantile) et aux consultations médico-psycho-pédagogiques (2 p. 100).– Sujets demandant une action éducative dite en milieu ouvert, c’est-à-dire restant dans leur milieu d’origine avec l’aide soit des consultations précédentes, soit des centres de guidance, des centres d’orientation éducative, des services d’observation en milieu ouvert – O.M.O. – ou d’action éducative en milieu ouvert – A.E.M.O. – (3 p. 100).– Sujets devant être placés en internat ou hospitalisés: centres d’accueil, centres d’observation, centres de rééducation, sections d’hôpitaux, hôpitaux de jour, foyers de postcure, foyers de semi-liberté, etc. (2 p. 100).Ces distinctions permettront de comprendre que l’action à mener exigera pour les deux premières catégories un équipement léger et, pour la troisième, un équipement lourd.DélinquantsParmi les jeunes sujets présentant des troubles du comportement et de la conduite, le nombre de ceux qui se signalent à l’attention de la société en étant déférés aux juges des enfants, soit au titre de mineurs délinquants (ordonnance du 2 févr. 1945), soit au titre de mineurs en danger (ordonnance du 23 déc. 1958), représente une proportion importante. Les statistiques, dans ce domaine, sont publiées chaque année par la Direction de l’éducation surveillée et font connaître la diversité des cas dont chaque juge des enfants et chacun des services ont à s’occuper, mais en réalité cet éventail n’est pas homogène d’une cour à l’autre; il varie en fonction de la vigilance ou de la tolérance de la police, de la conception que le juge a de sa mission, des circonstances familiales ou autres, qui font que des actes ou des comportements identiques sont l’objet tantôt d’une intervention, tantôt d’un non-lieu, de l’effort de détection des faits délictueux (le délinquant étant finalement celui qui s’est fait prendre), de l’organisation plus ou moins poussée des services de la police des mineurs et de l’éducation surveillée, des fluctuations de la société et de l’opinion des éducateurs en matière d’autorité, de danger moral, de délinquance, etc. Il faut d’ailleurs signaler que ces statistiques incluent aussi les cas où, pour des raisons administratives ou financières, une situation de protection sociale se trouve transformée en protection judiciaire.Le jeu de ces différentes variables explique que la courbe de la délinquance se présente en dents de scie, avec des sommets en 1919 (21 000) et en 1942 (37 000), et qu’elle se trouve actuellement en progression continue; elle permet de constater que l’influence des guerres ou de l’occupation par l’étranger et l’évolution démographique ne sont pas les seuls facteurs déterminants.Bien qu’elle oblige à mettre en jeu les structures judiciaires (un appareil de protection et ce qu’on appelle l’éducation surveillée), cette catégorie de délinquants ne diffère pas beaucoup, du point de vue biopsychosocial, de celle des autres sujets présentant des troubles du comportement et de la conduite, que l’on a mentionnée plus haut.2. Facteurs d’inadaptation juvénileSelon le niveau de développement et le moment où ils interviennent, les facteurs d’inadaptation sont innés, périnataux ou acquis.Facteurs innésLes facteurs innés sont ceux qui ont agi avant la naissance, mais dont les conséquences peuvent n’apparaître que bien après celle-ci; on les divise en héréditaires ou congénitaux.– Les facteurs héréditaires sont liés aux particules chimiques d’ADN (acide désoxyribonucléique) qui composent les gènes constitutifs des chromosomes apportés par le père et par la mère, au moment de la conception, c’est-à-dire de l’union de la cellule sexuelle mâle et de la cellule sexuelle femelle. Chaque gène apporte un certain nombre de caractères qui déterminent le biotype de l’individu et, éventuellement, l’apparition d’une maladie; il s’agit alors de maladies héréditaires qui sont souvent aussi des maladies familiales, c’est-à-dire qu’elles atteignent plusieurs sujets de la même famille (plus de 2 000 types de maladies héréditaires ont pu être classés et leur mode de transmission précisé).Les chromosomes sont en nombre constant, ce nombre étant caractéristique pour chaque espèce animale et végétale; on sait que, chez l’homme, on en trouve 23 paires, dont une détermine le sexe (gonosome XX pour la femme, gonosome XY pour l’homme). Mais au moment de l’union et de la maturation des cellules sexuelles (gamètes), celles-ci peuvent recevoir un chromosome en trop ou un chromosome en moins, ou même une série entière de chromosomes supplémentaires, le sujet ayant alors 69 chromosomes (triploïdie) au lieu de 46. On peut distinguer, d’une part, les anomalies ou aberrations chromosomiques, d’autre part, les anomalies ou aberrations géniques. Comme le rappelle J. de Ajuriaguerra, les anomalies chromosomiques sont en général dues à des accidents mécaniques survenus lors de la division cellulaire. Ces accidents peuvent affecter la méiose paternelle ou maternelle ou encore la ou les premières divisions du zygote (mitose), avec, dans ce dernier cas, formation d’une mosaïque chromosomique. Parmi les accidents de la méiose, on peut citer la translocation (accolement d’un chromosome sur un autre), la délétion (perte d’un segment de chromosome), la non-disjonction chromosomique (aboutissant à des gamètes dépourvus d’un des chromosomes ou ayant deux mêmes chromosomes). Parmi les accidents de la mitose, on peut citer la translocation, la délétion ou encore la perte chromosomique (par exemple, un zygote XX ou XY devient X0), la perte d’une chromatide entraînant la formation de mosaïque. Les anomalies ou aberrations géniques portent en général sur des gènes majeurs, la transmission étant mendélienne. Ces mutations géniques peuvent entraîner ou non des erreurs innées du métabolisme. Ces dysmétabolies se caractérisent le plus souvent par un défaut enzymatique, entraînant lui-même soit des lésions, soit des dysfonctionnements du système nerveux de l’enfant. Il y a ainsi toute une série de maladies qui sont la conséquence de cette mauvaise répartition ou aberration chromosomique. Elles entraînent en général des modifications de l’aspect général, des malformations et un déficit intellectuel; on citera à titre d’exemple le mongolisme dû à la présence d’un troisième chromosome 21, d’où le nom de trisomie 21.– Les facteurs congénitaux sont ceux qui interviennent au cours de la vie intra-utérine. Ils sont en général plus nocifs pendant la période embryonnaire (les trois premiers mois et surtout les premières semaines) que pendant la vie fœtale (six derniers mois).À côté des facteurs à action organique, tels que les maladies infectieuses de la mère (en particulier la rubéole qui peut provoquer une cataracte ou une arriération mentale), les maladies virales (danger des vaccins à base de virus vivants atténués), les maladies parasitaires (toxoplasmose, paludisme), les intoxications (alcool, quinine), les agressions physiques (traumatismes, applications de rayons X ou de radium), il faut retenir l’influence nocive de certains médicaments dits tératogènes (tranquillisants ou antibiotiques) et même de certaines situations psychologiques pendant la grossesse.Les conséquences des facteurs congénitaux, selon le moment où ils entrent en jeu, peuvent affecter le développement lui-même en gênant la formation de l’embryon (dysembryopathie, avec défaut de coalescence des fentes embryonnaires: bec-de-lièvre, spina bifida ), en provoquant des malformations (absence de membres), mais dans ces cas il est possible qu’intervienne également l’hérédité ou l’aberration chromosomique. Ces conséquences se font parfois sentir même sur un fœtus déjà bien formé, à la suite d’agressions intra-utérines, et donnent les encéphalopathies congénitales.L’association des facteurs héréditaires et des facteurs congénitaux fixe la constitution de chaque individu avec ses formes normales ou anormales, ses potentiels et ses fragilités, cette constitution se traduisant soit par des prédispositions soit par des affections, tantôt évidentes à la naissance, tantôt n’apparaissant que tardivement, bien après la naissance; telles sont les maladies systématisées du système nerveux, relevant d’un processus abiotrophique précoce de certaines parties du cerveau ou de la moelle.Facteurs périnatauxIl s’agit de facteurs qui interviennent soit avant (facteur prénatal), soit au moment (facteur périnatal proprement dit ou obstétrical), soit après la naissance (facteur postnatal) c’est-à-dire pendant la période qui s’étend de la 28e semaine de la grossesse au 8e jour suivant la naissance. L’étude de ces facteurs et de leurs conséquences a donné naissance à un domaine d’observation qui porte maintenant le nom de périnatologie , et s’intéresse à la prématurité, à la fragilité au moment de la naissance des dysplasiques et des mongoliens, à l’incompatibilité des groupes sanguins rhésus de la mère et de son enfant (laquelle incompatibilité déclenche l’«ictère nucléaire» ou imprégnation biliaire des noyaux de la base du cerveau), et à tout ce qui entre dans la terminologie de maladie traumatique du nouveau-né: conséquences d’un accouchement trop lent ou trop rapide, de l’application de forceps ou de manœuvre difficile, naissance en état de mort apparente par syncope ou asphyxie (à la naissance une anoxie – ou diminution de l’alimentation en oxygène – qui dépasse 7 à 10 minutes peut être grave), asphyxie par circulaire (ou nœud) du cordon ombilical, encéphalite postnatale précoce, toxicose, etc.La période périnatale constitue un moment particulièrement dangereux pour la vie et pour l’avenir des enfants. On estime aux États-Unis que le nombre de vies humaines perdues pendant cette période dépasse le total des décès dus au cancer et aux accidents de la route. Les facteurs de la mortalité et de la morbidité périnatales sont nombreux et on a été amené récemment à parler à ce sujet d’«enfants à risque élevé». Les conditions de nature à déterminer de tels risques ont été classées sous les rubriques suivantes:– Conditions touchant à la vie ou à l’état de la mère elle-même : mauvaises conditions socio-économiques, insuffisance du volume cardiaque, séquelles de manœuvres abortives, endocrinopathies (diabète, etc.), états infectieux (rubéole, toxoplasmose, bactériurie), intoxication (par le tabac, les médicaments, la morphine, etc.), complications immunologiques (incompatibilité fœto-maternelle, maladie auto-immunisante de la mère).– Conditions pathologiques de la grossesse : hémorragie, insuffisance du col, néphropathie gravidique et hypertension artérielle isolée, malformation utérine, hydramnios, oligamnios, souffrance fœtale aiguë ou chronique.– Anomalies ou mauvaises conditions de l’accouchement : siège, césarienne, forceps, ventouse, déclenchement de l’accouchement par médicaments, second jumeau, rupture prématurée de la poche des eaux (plus de 24 heures).– Situation des «nouveau-nés pathologiques» : prématurés (moins de 260 jours), postmatures; sujets atteints de gigantisme, d’hypothermie, de malformation ou ayant souffert d’asphyxie.Le fait de diagnostiquer telle ou telle de ces conditions permet d’envisager l’apparition de complications dans la période postnatale immédiate ou lointaine.Facteurs acquisAprès la naissance, les facteurs ou causes (la «cause» est quelque chose de complexe et consiste en la juxtaposition et l’interaction d’un certain nombre de conditions qui, prises individuellement, ne forment qu’un élément ou facteur) sont dits acquis. Il s’agit de carences dans le domaine de l’équilibre et du développement corporel et psychologique, telles que, par exemple, les avitaminoses ou la non-satisfaction des besoins de l’enfant (il faut insister sur la gravité des carences affectives précoces, notamment en matière de soins maternels, ou sur le caractère frustrant d’une situation comme celle de l’hospitalisation). Ces facteurs acquis peuvent consister aussi en agressions ou processus de dysfonctionnement provenant d’une action extérieure ou de maladies intérieures; on les distingue alors en facteurs exogènes et en facteurs endogènes.Il est impossible, et il serait illusoire, de faire une étude analytique de tous ces facteurs acquis. La difficulté vient non seulement du nombre des facteurs en jeu, mais aussi du fait qu’il est difficile de tracer une frontière nette entre les champs d’action. Ainsi, certains facteurs qui ont surtout une action biologique peuvent avoir aussi un retentissement psychologique ; de même, certains facteurs psychosociaux peuvent déclencher des perturbations biologiques.Dans une étude sur l’inadaptation juvénile, il convient d’insister sur les inadaptations à prévalence sociale et sur leurs facteurs, que l’on divisera en facteurs biopsychologiques individuels et en facteurs psychosociaux, ceux-ci étant relatifs soit au milieu familial, soit à la collectivité. On se contentera de donner une énumération.Facteurs biopsychologiquesOn peut citer: les prédispositions inscrites dans la biotypologie du sujet; son bagage héréditaire; les facteurs biologiques qui ont influé ou peuvent encore jouer sur son développement; les crises évolutives qu’il a pu traverser; des infirmités éventuelles, des troubles et retards de développement dans le domaine somatique, somato-moteur, somato-sensoriel ou somato-psychique; des troubles de l’électrogenèse encéphalique; des insuffisances et troubles mentaux.Facteurs psychosociaux tenant à la familleOn a pu constater que l’empreinte familiale influe profondément sur le comportement social ultérieur du sujet. C’est la forme des liens intrafamiliaux qui prépare celui-ci à la vie extrafamiliale.Une étude de S. et E. Glueck, qui s’efforce d’établir des tables de probabilité de la délinquance et qui a évalué l’importance de quatre cents facteurs, en est venue à mettre en tête les cinq formes suivantes de déficience ou de carence: déficiences de l’autorité du père, de la surveillance de la mère, de l’affection du père, de l’affection de la mère, de la cohésion de la famille.Facteurs psychosociaux de caractère collectifLa société actuelle influe sur l’inadaptation des mineurs dans le domaine même de l’habitat, qu’il s’agisse des taudis dans les îlots insalubres ou des grands ensembles architecturaux où règnent l’entassement, la promiscuité, l’anonymat. Un des dangers des grands ensembles est également l’homogénéisation des populations: on y est, entre voisins, de même rang social, de même génération et parfois aussi de même activité professionnelle, ce qui accuse encore le nivellement par la base et multiplie les risques de rivalité.Les enfants souffriront, d’autre part, du climat des grands ensembles scolaires, du gonflement des effectifs des classes, du niveau scolaire insuffisant, de la prolongation de la scolarité (pour les sujets qui ont hâte de «quitter l’école»), de l’allongement des vacances, surtout estivales, alors que l’organisation des loisirs demeure gravement déficiente. Plus tard, beaucoup de jeunes seront affrontés aux difficultés de l’apprentissage auquel l’école ne préparait nullement; à celles de l’entrée dans une profession, en une période de chômage et d’insuffisance du marché du travail. Il n’est pas étonnant que, dans ce contexte, se multiplient les phénomènes de bandes, de prostitution des mineurs, la violence, la toxicomanie, sans parler des suicides.À cela il convient d’ajouter le rôle possible des modèles diffusés par les mass media. En effet, gamme de loisirs passifs, la télévision, le cinéma, la radio proposent des modèles dont le caractère ludique ou imaginaire n’est pas perçu comme tel par bon nombre de jeunes. Mésestimer le pouvoir d’imprégnation psychologique, et le modelage psychosocial qui en découle, de ces moyens audio-visuels serait, de nos jours, une grave erreur.À l’arrière-fond de tous ces facteurs sociaux, il faut encore noter l’évolution du climat général de notre époque. L’industrialisation, la massification, la «robotisation», les techniques de conditionnement des masses, la poussée démographique, l’inquiétude sociale, la tension internationale, tout cela aboutit à créer un sentiment d’insécurité générale et de dépersonnalisation, au sein d’une organisation sociale qui paradoxalement se veut de plus en plus protectrice. L’accélération des rythmes de vie, l’agitation, l’éternelle lutte contre la montre sont autant de facteurs qui augmentent les états de tension psychologique, gênent l’intégration et l’harmonisation de la personne et poussent à la contestation et à la révolte, dont le conflit des générations est une des conséquences.3. Lutte contre l’inadaptation juvénileInstances officielles et organismes privésL’organisation de la lutte contre l’inadaptation juvénile est, elle aussi, quelque peu difficile à saisir, car elle intéresse plusieurs secteurs publics ou privés et pose, dès le départ, de multiples problèmes concernant l’individu, sa famille, sa lignée, la société. L’inadaptation juvénile, qui doit être considérée comme un véritable fléau social, exige un effort de prévention individuelle et collective, de cure (dont les quatre temps sont étroitement liés: dépistage, diagnostic, cure proprement dite et postcure) et d’information. Ces actions ne sauraient être menées exactement comme la lutte contre une maladie, en privilégiant l’intervention médicale, mais bien par une équipe multiprofessionnelle et multidisciplinaire, où sont engagés, à côté des pouvoirs publics, médecins généralistes, obstétriciens, pédiatres, psychiatres, travailleurs sociaux, psychologues, pédagogues, éducateurs, rééducateurs.Il est nécessaire de mener de front l’équipement, la formation du personnel et l’information, en tenant compte des expériences réalisées à tous niveaux et en laissant à chaque région ou secteur de la population une certaine originalité. La coordination et la coopération, aussi bien du secteur privé que du secteur public – aux niveaux national, régional, départemental et local –, sont indispensables.Chaque cas posant des problèmes, non seulement d’individu, mais aussi de lignée, de famille et de société, l’axe dominant d’action doit être dans les attributions du ministère des Affaires sociales qui, selon les pays et les fluctuations politiques, prend des noms différents: ministère de la Santé, ministère du Bien-être social, ministère ou secrétariat d’État à l’Action sociale et à la réadaptation, etc. Ce ministère détient ce que l’on appelle l’autorité sanitaire et sociale. Il doit assurer la protection sociale et l’aide sociale, la protection maternelle et infantile, la protection de la santé physique et mentale, l’aide médicale et les soins, l’intégration sociale. Il est amené à collaborer très étroitement, si ces secteurs ne font pas partie du même ministère, avec le ministère du Travail et de l’Emploi et avec les caisses de Sécurité sociale. Enfin, il doit protéger et aider la famille.Mais d’autres ministères ont à intervenir; c’est en premier lieu l’Éducation nationale qui, dans bien des pays, comme en France depuis 1882, doit assurer à tous un enseignement obligatoire et gratuit, organiser la scolarisation, l’orientation scolaire et professionnelle, la formation professionnelle pour tous et, pour les inadaptés, un enseignement spécial, soit seul, soit en collaboration avec les autres ministères.Le ministère de la Justice, qui détient l’autorité judiciaire, doit faire respecter les lois et protéger les individus et les familles (protection judiciaire) grâce à l’intervention du juge des enfants. Toute une gamme de mesures, dont les principales sont l’ordonnance du 2 février 1945 et l’ordonnance du 23 décembre 1958, permettent l’intervention de services spécialisés qui relèvent de la Direction de l’éducation surveillée.On doit encore citer la loi du 4 juin 1970 sur l’autorité parentale et la protection judiciaire de l’enfance en danger, ainsi que la loi d’orientation du 30 juin 1975, en faveur des personnes handicapées. L’article premier de cette dernière loi fait de la prévention une obligation nationale.Mais, à côté du secteur public, il existe un important secteur privé, dont l’action n’est pas négligeable et se révèle parfois promotrice: associations gestionnaires de services ou d’établissements, associations professionnelles, associations de parents d’enfants inadaptés, syndicats d’employeurs, syndicats de salariés, etc. Ces associations sont regroupées en fédérations et en centrales nationales, mais parmi elles, il en est qui ont un statut privilégié; c’était le cas des associations régionales pour la sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence, fédérées en Union nationale, et, respectivement depuis 1964 et 1967, des centres régionaux pour l’enfance et l’adolescence inadaptées et du Centre technique national pour l’enfance et l’adolescence inadaptées, rebaptisé en 1975 Centre technique national d’études et de recherches sur les handicaps et les inadaptations (C.T.N.E.R.H.I.). Ces organisations bénéficient d’une aide très importante des pouvoirs publics et ont ainsi un caractère semi-public.On voit qu’il existe plusieurs secteurs verticaux dont chacun est structuré en un certain nombre de secteurs horizontaux (tabl. 2). De ce quadrillage, il est nécessaire de faire une totalité, si l’on veut éviter les doubles emplois et la dispersion des efforts, et rechercher l’efficacité.Les diverses actions préventives et curatives doivent pouvoir avoir lieu à tous les moments de l’histoire individuelle, en commençant par la période antéconceptionnelle et en se continuant tout au long de la gestation, de la période périnatale, la petite enfance, tout au long de la scolarité et même au-delà de la fin des études ou de la rééducation. Les actions, tout comme les organismes pouvant intervenir, sont diversifiées et multiformes. On peut citer aussi bien les consultations prémaritales ou prénatales, les organismes de protection maternelle et infantile, les divers centres et consultations de diagnostic et de dépistage que les divers moyens de cure et de prévention active. Vouloir les énumérer tous serait illusoire, d’autant plus que de nouvelles structures apparaissent et évoluent avec le progrès de nos connaissances et une meilleure prise de conscience des problèmes.L’essentiel est la continuité, à tous les âges du sujet, de son éducation ou de sa rééducation et de sa réintégration dans la famille et la société; aussi importe-t-il d’assurer cette coordination aux divers niveaux, en particulier à l’échelon régional et départemental, par les services régionaux d’action sanitaire et sociale, les directions départementales d’action sanitaire et sociale, les inspections médicales de l’enfance, les commissions d’orientations des infirmes, le conseil départemental de protection de l’enfance, les commissions médico-pédagogiques, les juges des enfants, en liaison avec les caisses de Sécurité sociale, les caisses d’Allocations familiales, les inspections départementales de la main-d’œuvre et les centres régionaux pour l’enfance et l’adolescence inadaptées.Il convient de noter que l’organisation française se propose, par la sectorisation, de donner une certaine autonomie à chaque secteur démographique de 200 000 habitants environ. Cette sectorisation prévoit une équipe de santé mentale et de réadaptation pour chaque unité démographique, équipe qui peut s’insérer dans un ou plusieurs des cadres possibles.Personnel nécessaireOn a déjà insisté sur la nécessité, pour tous ces efforts de prévention et de cure, d’un travail multiprofessionnel au sein d’une équipe dont les principaux éléments sont: l’éducateur spécialisé, l’instituteur spécialisé, l’éducateur technique, le travailleur social, le psychologue et le psychiatre pour enfants.Mais beaucoup d’autres personnes sont appelées à participer à ce travail en équipe, dans l’esprit de la psychopédagogie médicosociale, qu’elles soient en rapport avec les enfants de manière habituelle ou par intermittence, que leur tâche relève de l’éducation ou de l’administration, de l’action sanitaire ou de l’intervention judiciaire.Qu’il s’agisse du personnel d’enseignement spécialisé, d’éducateurs ou rééducateurs, de thérapeutes ou de personnel administratif et d’inspection, la qualification de ce personnel implique qu’il ait les aptitudes requises, mais aussi qu’il bénéficie d’une formation et de possibilités réelles de perfectionnement, comme d’une pleine sécurité d’emploi. En certains domaines, la formation implique un enseignement théorique et pratique complet à partir de la fin des études secondaires: c’est le cas, par exemple, de l’éducateur spécialisé, qui peut préparer un diplôme d’État d’éducateur spécialisé, des kinésithérapeutes, des orthophonistes, etc. Dans d’autres domaines, le perfectionnement ou la spécialisation se superpose à l’acquisition d’une profession plus générale, par exemple pour la formation des neuropsychiatres ou des psychiatres pour enfants, des psychologues cliniciens, ou pour la spécialisation des assistantes sociales. La formation doit pouvoir être suivie directement dans une école ou un institut universitaire (formation directe) ou en liaison avec ces derniers établissements (formation en cours d’emploi).Dans l’esprit de la formation permanente et de la promotion sociale, ces acquisitions de base doivent être complétées par le perfectionnement et le recyclage, de même qu’il doit être possible à un sujet déjà qualifié d’acquérir une autre compétence. Il y aurait intérêt, d’ailleurs, à prendre en considération la personnalité du candidat à telle spécialité dans une perspective d’orientation-sélection, surtout lorsqu’il s’agit de la formation du personnel éducatif qui devra être en relation permanente avec les enfants.Les carrières qui se rapportent à l’enfance inadaptée sont multiples, et cet équipement en personnel y est beaucoup plus important que l’équipement matériel. Les besoins, pour une population de un million d’habitants, peuvent être évalués ainsi: assistantes sociales, 110; infirmières, 150; pédopsychiatres, de 15 à 30; psychologues cliniciens, de 25 à 30; éducateurs spécialisés, de 1 000 à 1 500; instituteurs spécialisés, 400; professeurs d’enseignement technique théorique, professeurs techniques adjoints, 200; psychologues scolaires, 20; kinésithérapeutes, de 100 à 150; orthophonistes, de 60 à 90; jardinières d’enfants, de 40 à 60; personnel de direction, 70.Chacune des catégories de ce personnel doit apporter ses techniques et ses connaissances propres, aussi est-il impossible d’énumérer toute la gamme des moyens d’action en matière d’éducation spécialisée, de pédagogie, de rééducation, de cure médicamenteuse ou de psychothérapie, tous ces modes d’intervention devant souvent d’ailleurs être conjugués.Chances et destin des handicapésLes moyens que la société ou l’État doit mettre en œuvre pour lutter contre l’inadaptation sont aussi divers que les perspectives d’avenir que la singularité de leur cas offre aux sujets inadaptés. Le tableau 3 donne, à titre d’exemple, la répartition effective des enfants bénéficiant de l’éducation spéciale. Un certain nombre d’entre eux deviendront capables, après un temps plus ou moins long de cure et de rééducation, d’acquérir une relative autonomie et de participer à une vie communautaire normale. Toutefois, ceux qui présentent un handicap important, en particulier un handicap mental (arriération profonde, débilité profonde, psychonévrose grave), devront bénéficier de mesures spéciales, soit à domicile en recevant le statut des grands invalides, soit dans des sections d’hôpitaux psychiatriques ou de services d’incurables; s’ils sont capables d’une certaine autonomie, ils relèveront soit de la formule de l’hôpital de jour, soit d’entreprises susceptibles d’occuper des travailleurs handicapés, entreprises qui, actuellement en France, revêtent deux formes: «ateliers protégés» et «centres d’aide par le travail».Cette formule du travail «protégé» et cependant productif doit offrir une gamme de sections où différentes catégories de sujets pourront trouver leur place: cela peut aller de la section d’adaptation au travail protégé à la section d’adaptation à l’entreprise normale, en passant par la section du travail à domicile ou par la section de production au sein de l’atelier.En France, on donne la préférence aux petits établissements qui peuvent être disséminés à travers l’ensemble du pays de manière à rester à proximité des familles. Ainsi les formules de demi-internats ou d’externats sont-elles plus naturellement indiquées.On a essayé de répondre au problème posé par les travailleurs handicapés sans famille et non hospitalisés, en leur assurant la possibilité de séjourner dans des «foyers de tutelle», de bénéficier d’une allocation spéciale et, après le décès des parents, d’une rente-survie garantie par une assurance prise par ceux-ci.En fin de compte, le problème de l’enfance inadaptée, problème complexe à causalités multiples, autant biologiques, médicales que sociales, voire sociopolitiques, doit être envisagé et pris en charge à tous ces niveaux à la fois. Au-delà des questions techniques, le problème posé et les solutions adoptées deviennent une affaire de choix social et de moyens dégagés afin de répondre aux demandes qui s’imposent à nous.4. Perspectives nouvellesLa manière dont on vient de parler de l’enfance inadaptée adoptait surtout une perspective européenne, voire spécifiquement française; mais on doit envisager aussi le problème dans une perspective plus large, en se demandant, d’une part, quel est le statut actuel de la notion même d’enfance inadaptée et, d’autre part, quelle est la situation et quels sont les problèmes ailleurs.Il convient d’abord de noter que les organismes internationaux (O.M.S., U.N.E.S.C.O., par exemple) ont tendance à abandonner de plus en plus l’expression d’enfance inadaptée au profit d’autres termes, plus restrictifs, mais, de ce fait même, plus aisément définissables. Dans les derniers glossaires de ces organismes, le terme d’inadaptation est délaissé surtout au bénéfice du terme de «handicap» et de ses dérivés. Ce nouvel usage peut sembler discutable; la notion de handicap, plus facile à définir avec précision, est en même temps bien plus restrictive. Surtout, elle ne rend pas compte de l’aspect dynamique et évolutif qui est sous-jacent à la notion même d’inadaptation; elle ne fait pas non plus ressortir, systématiquement, la pluralité des déterminismes en jeu et leur interaction. Mais, même si l’on peut le déplorer, cet usage paraît s’imposer: la proclamation d’une année internationale des personnes handicapées (1981) en est l’exemple patent; par ailleurs, en français, c’est le terme d’inadapté qui semble être utilisé surtout (sinon exclusivement). Il convient donc, quand on consulte la littérature spécialisée, et notamment les données appréciables apportées par les organismes internationaux, d’avoir désormais présente à l’esprit cette évolution notionnelle.Quant à la situation actuelle des personnes handicapées dans le monde, on peut estimer que ces dernières étaient, en 1981, au nombre d’environ 450 millions, enfants et adultes, soit près de 10 p. 100 de la population mondiale. Or, en même temps, comme le rappelle C. Veil; «près de 90 p. 100 des ressources permettant d’aider les handicapés sont dépensées dans les pays industrialisés, alors que 80 p. 100 de ces personnes habitent le tiers monde». Sur ces 450 millions de personnes handicapés les trois quarts sont complètement abandonnées et 1 p. 100 seulement d’entre elles reçoivent une aide réellement appropriée.Ces données, dans leur brutalité, font réfléchir et soulèvent surtout, d’une part, la question des causes, d’autre part, celle des moyens de combattre celles-ci. De l’avis des spécialistes, les principales causes de handicap et d’inadaptation sont actuellement la malnutrition, la misère et l’analphabétisme; à cela s’ajoutent, bien entendu, les malformations congénitales ou héréditaires, les maladies et accidents de toutes sortes, mais aussi les guerres et les conflits armés. Enfin, en ce qui concerne les enfants, on ne doit pas oublier le fait que beaucoup d’entre eux sont soumis à la contrainte du travail précoce, véritable exploitation de type esclavagiste, encore extrêmement répandue dans le monde entier; les statistiques du Bureau international du travail (B.I.T.) sont, à ce sujet, effrayantes. Les enfants ainsi exploités sont, d’une part, menacés dans leur santé, dans leur intégrité physique, mentale et affective, d’autre part, écartés des processus d’instruction, seule voie d’accès aux connaissances modernes et à la capacité d’exercer ses droits les plus élémentaires.Pour lutter contre cette situation, un abord multiple s’impose, tel qu’il s’est dégagé déjà lors de l’analyse de la situation dans les pays développés. Compte tenu de la pauvreté, de la pénurie de moyens dans les pays en voie de développement, c’est vers une «technologie de la simplicité» que l’on doit s’orienter: l’utilisation maximale des ressources locales, des soins de santé primaires donnés par un personnel peu spécialisé, mais intégré dans la communauté, le tout dispensé au plus grand nombre, la recherche d’efficacité avec des petits moyens – telles sont les orientations actuelles de l’aide aux handicapés. En retrait par rapport aux ambitions antérieures, qui étaient trop calquées sur des modèles avancés et difficilement applicables dans les pays en voie de développement, ces nouvelles orientations sont, en tout cas, plus réalistes. Leur application systématique permettrait d’aider efficacement 80 p. 100 de la population concernée.Enfin, l’effort éducatif à tous les niveaux, qu’il s’agisse d’alphabétisation, d’éducation parentale ou d’information des populations, est capital. Au-delà des répercussions qu’il peut avoir sur les individus, cet effort devrait amener des sociétés tout entières à adopter des attitudes et des comportements permettant de travailler à l’élimination des principaux handicaps et inadaptations évitables; dans cette perspective, la prévention se situe au premier plan.En fin de compte, c’est un problème global d’éthique et de société qui est posé, autant pour prévenir le handicap et l’inadaptation, que pour assurer la prise en charge de ceux qui en sont atteints. Dès lors, et au-delà des progrès scientifiques et techniques indispensables, le combat contre l’inadaptation, l’aide à l’enfance inadaptée deviennent un problème de mentalité sociale, de moyens disponibles et, avant tout, un problème d’éducation.
Encyclopédie Universelle. 2012.